Noï Albinoï

Scène : la cachette du museum d’histoire naturelle
Iris et Noi veulent sortir. Mais le dénuement de la ville pour des sorties récréatives les poussent à trouver un lieu. Sur une idée de Noi, ils rentrent par effraction dans le museum d’histoire naturelle.
Iris fait preuve d’initiative en lançant une pierre sur la vitre pour accélérer le rythme (Noi essayait vainement de crocheter la porte). Ce faisant elle assume cette transgression de part une volonté d’échapper au froid polaire extérieur.
Ils pénètrent à l’intérieur du musée, au milieu d’animaux polaires figés dans une ultime posture. Pendant un court moment, ils se sentent protégés de l’extérieur. Mais ce sentiment est de courte durée. C’est au tour du gardien d’intervenir. Il sera traité par la mise en scène de manière allusive. Il est hors-champ, nous entendons sa voix (hors-champ) et il allume la lumière dans la gallerie.
Après la fuite du froid, c’est la fuite du gardien qui les poussent à se replier dans une sorte de petit débarras. Après un moment de silence, Iris se déplace vers un objet caché par un tissu blanc. C’est une carte du monde. L’idée de partir d’Islande semble surgir naturellement chez les deux jeunes. De sorte que c’est un voyage à deux qui les poussent à évoquer une destination. Le choix opéré par le hasard tombe sur une autre île volcanique : Hawaï. Une sorte de sœur jumelle de l’Islande, le soleil, la chaleur en plus et la neige, le froid en moins !
La notion de voyage, de déplacement contraste beaucoup avec l’immobilité sous-jacente à toute cette séquence. Immobilité des animaux empaillés, immobilité morale, immobilité du au froid et la neige. La seule solution pour survivre est le mouvement, la fuite. Noi veut éviter notamment les fausses fuites de son père : l’alcool, le karaoké sur des chansons américaines et faire le taxi (partir pour mieux revenir).


Dans cette séquence sont regroupés la plupart des thématiques qui traversent le film et qui forme une sorte de réseau symbolique.
Ainsi en dévoilant la carte du monde. Elle fait tomber un lourd tissu blanc qui occultait le monde. Belle image qui résonne de manière prophétique lorsque l’on sait que c’est après une avalanche que Noi sera libéré des contraintes passées. Le tissu évoquant la couverture neigeuse à l’origine de l’avalanche. Mais ce mouvement de la neige aura pour incidence l’immobilisation et donc la mort de ses proches. Il pourra désormais découvrir le monde.

Le jeu qui consiste à choisir une destination exotique fait écho à tous les jeux qui ponctue le film (le rubiscube, le mastermind, la machine à sous…) dans lesquels Noi excelle d’autant plus qu’il ne se gêne pas pour tricher. Cette manière de provoquer le sort pour qu’il vous soit favorable lui permet de porter sur les choses un regard différent. C’est lui par exemple qui prend l’initiative d’allumer la carte du monde par derrière.

Un réseau symbolique
Ce qui suit retranscrit les multiples thématiques qui se répondent au sein du film. Elles traitent aussi bien de l’identité des personnages que du caractère inéluctable de leur destin.

Fixité / mouvement
Le fait de regarder les images exotiques. Elles ne bougent pas sauf à la fin du film où après pris une dimension cinématographique, la plage s’anime progressivement à l’image du son qui émerge du silence.
Lorsque Noi regarde la télé, rien ne bouge sauf l’action télévisuelle. C’est un film de kung fu asiatique. Encore une fois l’ailleurs est évocateur de mouvements qui contraste avec l’immobilité de sa vie.
Lorsque dans son effort désespéré de partir loin d’ici Noi vol une voiture, qui sera immobilisé par la neige, il prendra alors ses jambes à son cou dans une course sans issue.
noi-course

Blanc / Rouge
Le rouge et le blanc sont les couleurs qui dominent ce monde polaire. Pourquoi le rouge ? Parce que l’Islande est une île volcanique. Le rouge pour la lave donc. A l’instar de la lave, Noi brûle de sortir. La ville et Noi partagent une apparence désertique, l’absence de pilosité chez l’un, la neige chez l’autre. Et à l’intérieur l’activité volcanique qui pousse au mouvement.
Le rouge dans ce cadre aussi le symbole d’un danger imminent. Il apparaît clairement dans le jeu coloré. Le pompier qui va annoncer la mort imminente dans le fond de la tasse est entouré de rouge. Celui du camion de pompier, les boutons de la grand-mère de Noi.
pompier
Mais il y a aussi la visionneuse de diapo qui est d’un rouge soutenu, comme l’avalanche de sang sur le père et la grand-mère de Noi. Image d’autant plus prophétique sur le drame à venir que Noi n’est pas tâché du tout.
noi-blood
noi-blanc
Lorsqu’enfin le père de Noï se met à chanter devant un rideau rouge une chanson tout à fait signifiante : “like a snowfly” qui raconte l’envie de sortir d’un ghetto.
as a snow fly

Le jeu
A plusieurs reprises nous voyons Noi jouer. Il y a tout un rituel mis en place. Noi joue et est rétribué par sa victoire. C’est d’abord la machine à sous (une avalanche de petite monnaie), puis le mastermind (les livres de fesses), et le rubiscube (un bon rapport du psy). Un des points communs de tous ces jeux c’est leur caractère coloré (trouver la bonne couleur, ranger par couleur…).
Les trois récompenses sont des habitués du bulletin journalier des horoscopes. En effet on y parle avant tout d’argent (petite monnaie), d’amour (livres de fesses), et de monde professionnel (bon rapport).

L’arc en ciel
C’est une séquence particulière. Elle n’est pas à sa place logiquement parlant, mais sa place symboliquement est fort judicieuse. Elle intervient après son éviction du Lycée. Le paysage est estival, pas de neige, le soleil brille. Mais lorsque Noi va voir son père juste après, pour lui annoncer la mauvaise nouvelle, la neige est omniprésente.
Le jet de pierre trouve sa justification dans l’envie de se passer le nerfs, peut-être même de faire un vœu. Le caractère merveilleux n’est pas très loin puisque l’on ne vois pas la pierre retomber dans l’eau. Partie au delà de l’arc-en-ciel à la manière d’un Magicien d’Oz ?
On peut projeter que par une sorte d’effet papillon, ce vœu est exaucé, au-delà de ce qu’il pouvait imaginer.

Le faux départ
Au départ on peut considérer cela comme une réaction à la lecture dans le mare de café. Noi veut à tout prix éviter un destin tout tracer et cherche à s’en échapper maladroitement. Son hold-up est pitoyable, sa course poursuite avec la police ne l’est pas moins. Mais ce qui le touche le plus est ailleurs.

Argent : Le hold-up était un moyen de gagner de l’argent rapidement, car selon l’augure la fin est imminente. On notera au passage que le logo de la banque est un trèfle à quatre feuille qui sert aussi de symbole de réussite lorsque la machine à sous fait son jackpot…
machine a sous
hold up

SIgne extérieur de réussite : Contre mauvaise fortune bon cœur il retire tout de même ses économies de la banque, s’achète un beau costume et vol une voiture. Après l’argent, ce sont les signes extérieurs de la réussite qu’il recherche (malgré le bonnet).

L’Amour : Et enfin c’est l’amour ! Iris est comme d’habitude au comptoir. Son rôle est de remplir de gazoil les voitures qui partent mais elle semble désormais figée dans ce rôle. Lorsque Noi vient la voir, leur parcours ressemble à une banquise qui se serait brisé en deux et dont deux parties dérivent sans espoir de retour l’une vers l’autre. Ce qui était uni ne l’ai plus.


L’ailleurs
Hawaï, le frère jumeau de l’Islande est sans cesse évoqué. Hawaï est une île volcanique, certes mais la comparaison s’arrête là. L’indigène montré dans les images d’Hawaï est torse nu, assez gros, cheveux longs et bruns.
indigene
Noï est maigre, habillé chaudement, chauve.
On discerne donc la volonté d’opposé les deux régions pour faire naître chez Noï le désir de changement. Cette île est paradisiaque de son point de vue parce que justement elle est opposée à l’Islande.
Plusieurs motifs visuels vont rappeler cette obsession. La séquence du Musée comme génèse. Par la suite c’est le gâteau d’anniversaire en forme d’île du pacifique, le cadeau : la visionneuse montrant des images d’Hawaï, la chemise hawaïenne de son père, la tapisserie en palmier… vont ancrer inconsciemment l’idée dans le cerveau du spectateur.

Tigre et Dragon

Scène : double langage autour d’un thé
Cette séquence est très importante puisqu’elle lève le voile autour d’un enjeu narratif d’ordre policier. Qui a commis le vol de l’épée “Destinée” ?
Ang Lee a fait de cette scène un équivalent verbal des joutes aériennes qui ont fait la réputation de ce film. On y trouve Shulien (Michelle Yeoh) qui offre des présents de la part de madame Peï destinés à la fille du Gouverneur Yu : Tiao- Long Yu (Zhang Ziyi), en vue de son prochain mariage.
La grande adresse de cette séquence est de donner à Shulien le devoir de prévenir Tiao qu’elle est découverte et qu’elle doit rendre l’épée : “Destinée”. Mais, derrière cette volonté affichée de Shulien de rendre l’objet dont elle avait la garde à celui qu’elle aime secrètement, il y a la volonté d’atteindre la Hyène pour que Li-Mu-Baï puisse venger la mort de son maître.
Cette prouesse réthorique témoigne du raffinement de la culture chinoise autour du non-dit, où le sens affleure des mots.
A ce jeu là, Shulien profite du fait que la bienséance interdit à la jeune fille d’intervenir dans la conversation qui se déroule face à elle. Tout ce qu’elle peut faire c’est écouter le sens caché des paroles. Comprendre que la Hyène est démasquée. Shulien sait qu’il s’agit de sa gouvernante. Cela sonne aussi comme une mise en garde : attention la gouvernante est une meurtrière ! Le courroux du seigneur Peï et de Li-Mu-Baï est tournée contre cette dernière et non contre elle. Mais si ces paroles ont pour but d’apaiser la jeune fille, elles ne laissent guère de choix. Si Tiao ne rend pas l’épée Shulien la prévient des conséquences directes : “D’après le Seigneur Peï tout le monde peut commettre une erreur. Certaines peuvent devenir fatales à leur auteur et aussi à toute leur famille.”
La mise en scène va expliciter cette interaction discrètement. Ce sont notamment des regards d’adresses de Shulien vers la jeune Tiao, alors que ses paroles sont dirigées vers la maîtresse de maison.
Du coup, cette scène fait surgir un humour léger mais corrosif. En effet, Madame Yu en garante des bonnes mœurs, s’offusque du vol et s’en prend à l’indélicatesse des domestiques tout en se faisant partisanne de la plus grande sévérité envers les coupables. Alors que le spectateur a compris depuis un certain temps que le coupable n’a rien d’une domestique et est la propre fille de Madame Yu. Ce qui souligne s’il en était besoin l’aveuglement de la maîtresse de maison à ce qui se trame autour d’elle.

Subséquement, Tiao ira rendre l’épée “Destinée” de la même façon qu’elle l’a volée et sèmera le début d’une discorde entre Tiao et la Hyène.
Enfin, cette séquence illustre parfaitement le caractère novateur par rapport au wu xan pian traditionnel. On assiste ici à une scène 100% féminine. L’intégration de femmes à la forte personnalité (Shulien, la Hyène et Tiao) se combattant aussi bien par l’épée, le sabre, le poison que par la parole. Le film, comme le « Mulan » de Disney, cherche à donner à la femme chinoise l’aspiration à l’émancipation qu’elle mérite. Les modèles proposés : l’aventurière blasée, la jeune promise cultivée et la gouvernante meurtrière inculte ont pour points communs de pouvoir faire mieux que se défendre face à la plupart des hommes (sauf Li-Mu Baï) et d’avoir comme Shulien une intelligence émotionnelle supérieure (le seigneur Peï a une parole fort pertinente au sujet de Li-Mu Baï : « Pour ce qui est des sentiments, les héros, aussi grands soient-ils, peuvent se conduires en parfaits imbéciles. »).

Les hommes sont donc présentés comme faibles : le maître de Li-Mu Baï mourra empoisonné par la Hyène parce qu’il était interessé par ses charmes, le policier vengeur mourra à cause de la Hyène, Li-Mu Baï lui-même succombera à ses poisons. A quoi sert alors la maîtrise ? De toute manière tout être est faillible !
Etrangement plusieurs fois affleure l’impression que Shulien protège Li-Mu Baï en évitant les combats lorsqu’ils le peuvent et n’hésitant pas à combattre. Comme cette séquence autour du thé le prouve, elle essaye d’éviter les luttes, comme elle tentera, plus tard, de persuader (en vain) Li-Mu Baï et Tiao de ne plus jouer les aventuriers. L’un pour le garder pour elle et l’autre pour qu’elle puisse se marier (son aspiration personnelle) et surtout pour empêcher les deux de rentrer dans le cercle vicieux du maître Li-Mu Ba. Il fut tué par la Hyène qui voulait le livre et les secrets de combat qu’il recelait. Ayant échouée malgré tout ses efforts, Shulien verra Li-Mu Baï mourir dans ses bras du fait de la Hyène qui voulait retrouver son ascendant sur Tiao, convoitée elle aussi par Li-Mu Baï.



Un réseau symbolique
Le film possède un jeu assez particulier de motifs se répondant les uns aux autres. Derrière cela, il y a une manière de pensée typiquement asiatique mais aussi volontairement décalée.

Equilibre / déséquilibre
Il n’y a pas un mais quatre héros au final dans ce film. Deux hommes, deux femmes. Deux couples. Deux générations. Des statues sociaux différents.

Le premier couple : Shulien / Li-Mu Baï, adultes accomplis arrivent dans une étape décisive de leur relation. Li-Mu Baï veut rattrapper le temps perdus et Shulien attend qu’il se révèle. Ils vivent au contact de la société, dont ils ont acceptés implicitement les règles. Ils respectent la parole donnée, et ils ont du respect pour les maîtres.

Le second couple : Tiao (Jen) / Lo sont jeunes, impulsifs. Leur rencontre leur à permis de pouvoir vivre en dehors de la société chinoise. Ils ont pu faire ce que Shulien et Li-Mu Baï aspirent à faire (vivre ensemble et plus si affinité !). Mais ce ne fut qu’une bouffée de liberté temporaire pour Tiao. Le retour vers ses parents va correspondre à une sorte d’emprisonnement dans une cellule dorée. Elle mettra alors le même acharnement à s’évader qu’à vouloir récupérer son peigne. Cet acharnament à ne pas faire comme les autres la ménera à tout détruire autour d’elle.

Ces deux couples ont des raisons de se jalouser mutuellement.

Shulien et Li-Mu Baï aimeraient bien pouvoir se marier comme Tiao, mais Li-Mu Baï était le frère de sang de feu le mari de Shulien, cette relation peut paraître déplacée. Ils envient aussi la liberté, l’audace qui à permis à ces deux jeunes de se rencontrer et de s’aimer. Alors que de leur côté, leur vie d’aventures ne leur à pas permis d’être suffisamment stable pour approfondir leur relation. Shulien plus particulièrement est impressionnée par l’éducation (savoir calligraphier…) de Tiao.

De l’autre côté
Tiao recherche chez Li-Mu Baï et Shulien l’excitation de l’aventure, et tout ce qui l’oppose à la vie saine et rangée qu’elle mène chez ses parents. Son départ et la vaste bagarre dont elle est l’origine montre qu’elle peut battre une troupe d’hommes patibulaires. Cette recherche est telle qu’elle devient très égoïste, refoulant l’homme qui l’aime comme un fou, non par sa personnalité mais parce que c’est un homme. Et qu’elle se sent brimée par eux.

Nous sommes donc face à deux opposés qui recherche chez l’autre une part qui lui manque et qui se rapproche dans le principe du Yin et du yang (si on le dégage du contexte dualliste du bien et du mal).


Décalage
Le décalage à lieu à plusieurs niveaux.
Le raffinement de la pensée et de la poèsie chinoise n’y font pas défaut.
Mais le
machisme y est ridiculisé plus d’une fois à la fois par les armes mais aussi par les relations humaines (le garde est l’exemple typique du ridicule conjugué au masculin, dans les combats où il est plus que pitoyable et dans son rapport avec la fille du policier). Les femmes y font souvent plus preuve de discernement et d’indépendance d’esprit.
La
narration est assez étrange. Au milieu du film nous avons droit à un long flash-back. Cette entorse au récit linéaire va être renforcée par une fin assez énigmatique. Contrairement à la mode hollywoodienne du happy-end (ce film est américain, ne l’oublions pas) le film se termine par la mort de Li-Mu Baï (malgré le montage alternatif susceptible de montrer que Tiao peut revenir à temps avec l’antidote). Par voie de conséquence, le couple n°1 étant cassé, le couple n°2 lui aussi se casse. Tiao se jette du haut de la montagne dans le but d’exaucer un vœu que la légende promet au cœur pur suicidaire. La fin a une dimension tragique qui sera souvent reprise dans les films de Zhang Yimou (Hero…), basé sur un modèle similaire. Mais elle a une dimension mystérieuse. Les cœurs purs croiront au salut (le vœu est exaucé, mais quel vœu ?), les autres penseront plus à de la purée de mandarine !

Edward aux mains d'argent

Edward aux mains d’argent
Tim Burton - 1990


Un être atrophié
Edward est un être sensible, mais il n’a pas de mains organiques. À leur place, il a un appareillage coupant et tranchant constitué de ciseaux. Il en résulte qu’il ne peut pas témoigner son affection à ceux qu’il aime sans les blesser. C’est le drame d’Edward qui traduit symboliquement l’impossibilité d’exprimer les sentiments qu’on éprouve.


Un monstre au pays du banal
Pour rendre compte de la dimension extraordinaire d’Edward, Tim Burton le fait évoluer dans un univers qu’il connaît bien : une banlieue sans histoire, celle où il a passé son enfance : Burbank. Mais comme la banlieue californienne s’est métamorphosée au cours des dernières décennies il plante sa caméra en Floride, dans une ville assez représentative de ses souvenirs.
Le fil narratif va être une sorte de visite guidée jubilatoire de notre monde (notre vie familiale, moderne, nos relations humaines, notre rapport à l’apparence) par un étranger.


La narration
Une mise en abyme classique. Une grand mère explique à sa petite fille d’où vient la neige en racontant un conte. La caméra plonge hors de la maison vers la banlieue enneigée et termine sa course par un plan fixe sur le château lugubre qui surplombe la ville. Puis la caméra prend le contre-champ et filme la banlieue à partir du château. Mais un saut temporel a eu lieu puisque nous ne voyons plus de neige sur la ville.
Le récit est assez linéaire sauf qu’à trois reprise nous assistons à des flashs backs qui montrent :
- la génèse de la naissance d’Edward (le savant met symboliquement un cœur à un robot qui coupe des légumes, comme Edward à ce moment dans la cuisine).
- les leçons de savoir-vivre et de poèsie du vieux savant à Edward.
- le savant présente les mains à Edward mais meurt avant de les lui greffer.
Cette structure autour du flash back va être utilisé par Tim Burton dans
Sleepy Hollow, la légende du cavalier sans tête (encore un à qui il manque quelque chose !) où Johnny Depp (Ichabod Crane) revoit sa mère et son père dans des rêves dégénérant en cauchemars. les deux films ont la particularité de s’inspirer du film de James Whale : Frankenstein. Dans Edward par cette notion de savant qui donne vie à une créature et dont la foule pourchassera dans une battue. Sleepy hollow reprendra en particulier le thème du moulin en flamme à la fin.

avon grosse
Séquences d’expositions
Le liant à cette histoire est Peg Boggs (Diane Wiest) qui fait sa tournée sa prospection pour la société de produits de beauté : Avon. C’est l’occasion de se familiariser à la petite vie banlieusarde, en particulier à sa faune et sa flore. On y observe la grosse permanentée, la nymphomane pomblophile, la bigotte introvertie, la pauvre roséophile… dans une myriade de couleurs pastelles. Absents notoires : les maris de ces femmes qui sont, bien entendu, au travail. Nous sommes en plein dans dans “l’American way of life” ou les femmes sont, par définition, au foyer, ou presque puisque Peg, semble-t-il dégoûtée par son environnement proche décide d’aller tâter de l’exotique en se rendant à l’inquiétant château sur la colline.
Elle y rencontre Edward et, malgré sa crainte première, ses réflexes professionnels reprennent le dessus puisqu’elle invite ce dernier à une cure d’avonthérapie chez elle, afin de remédier aux multiples cicatrices que le pauvre s’est infligée au cours de son existence.
Edward deviendra évidemment l’élément perturbateur qui va rompre le cycle routinier de cette petite communauté.
nympho

Les lieux, terres de contraste
Il y a bien sûr un contraste évident entre l’architecture gothique et sombre du château et celle en boîte de chaussures qui personnalise la banlieue.
Mais si l’on oriente notre analyse sur le pivot que représente Kim on observe que deux satellites gravite autour d’elle : Jim et Edward. Ces deux êtres que tout oppose, si ce n’est l’élue de leur cœur, ont des lieux de vie complètement opposés à l’image de leur personnalité.
chateau lugubre
Edward vie dans un château assez gothique, sombre, presqu’en ruine. Il a un aspect inquiétant de par sa couleur extérieur, son architecture tourmentée et lugubre. Mais une fois franchie le portail Peg est véritablement enchantée par la beauté des jardins, par leur ingéniosité, par les talents d’imagination qu’ils suggèrent.
jardin secret
Jim passe le plus clair de son temps dans une camionnette atteinte de tuning jusqu’au dernier degrés. L’aspect extérieur est certes agressif, mais le véhicule est flambant neuf et constitue, on s’en doute, l’apothéose esthétique d’un fils à papa comme Jim.
Une fois dans le véhicule on se rend compte automatiquement du problème. C’est aussi étroit que l’esprit de Jim, et le centre du véhicule n’est autre que la glacière à alcool (bière, whisky…). Bonjour le rêve et le romantisme !

Ces deux exemples soulignent l’écart entre la nature réelle et l’apparence des individus. Jim et Edward sont opposés en ce sens que l’un mise tout sur l’apparence et l’autre cultive son jardin secret. Leur lieu de vie est une représentation symbolique et juste de leur personnalité. Le thème ici de l’être et du paraître est repris avec une ingéniosité rarement égalée.


Les couleurs
Là encore, les oppositions sont légions. Le château et Edward contrastent dans l’univers pastel de la banlieue. Ils font tâche ! Mais Edward va s’adapter, s’intégrer à la vie humaine. Cela va se matérialiser par le port d’une pantalon et d’une chemise blanche. Ce n’est que lorsqu’il sera chassé par tous qu’il va oter cette chemise et retrouver en dessous sa combinaison noire.
À l’approche de Noël, le blanc et le rouge vont être particulièrement associé dans la maison des Boggs (Murs et sapin blancs, décorations rouges) et seront prémonitoire de l’évènement centrale : la blessure de Kim. Alors qu’Edward sculpte dans la glace un ange à l’image de Kim (on observe cette double couche : glace blanche / ange blanc), elle-même habillée de blanc, Jim apparaît  et surprend Edward qui dans un geste non contrôlé blesse la main de Kim. Le sang rouge coule sur la main blanche. Cette association durera encore longtemps puisque les séquences de début et de fin, où l’on voit la grand-mère expliquer l’origine de la neige à sa petite fille, baignent dans ces deux couleurs.