Robert Mitchum

Dead Man



Sous des apparences trompeuses, ce western nous propose la confrontation classique de l’indien et de l’homme blanc. Longtemps cette dichotomie était synonyme de rupture entre l’homme civilisé (l’homme blanc) et le sauvage (l’indien). Ce qui marquait l’homme blanc comme parangon de la civilisation tient en trois principes :

- L’homme blanc vénère le vrai Dieu, l’unique. Les autres croyances tombent du coup dans le camp du mensonge et de l’hérésie.

- L’homme blanc possède une avance technologique décisive qui lui permet de vaincre militairement (le fusil à répétition) et de se répandre spatialement (le train) aux dépends des autochtones.

- L’Homme blanc possède une culture extrêmement vaste que l’écriture, la peinture, la sculpture permet d’immortaliser. A rebours des cultures vernaculaires orales, et donc éphémères par nature.

Cette opposition est présente dans tout le film de Jim Jarmush. Sauf qu’elle est renversée. L’indien va devenir au gré d’un scénario assez ironique et bien documenté, le parangon de l’homme civilisé contre l’ensemble des hommes blancs fortement associé à la bêtise, l’ignorance, la sauvagerie.
Le film fonctionne sous le signe des contrastes :

- Mort / Vie
- Machine / Nature
- Vacarme / Calme
- Connu / Inconnu
- Enfer / Paradis
  • Homme / Femme
  • Rejet / Accueil


A travers une histoire d’initiation atypique se dessine l’autocritique de l’Amérique des pionniers. Ceux là même qui ont détruit impunément, violemment, systématiquement, culturellement, spirituellement, les cultures vernaculaires d’Amérique.

Un voyage initiatique :
Le point de vue de William Blake coïncide avec celui du spectateur. Comme nous il arrive dans une contrée inconnue, entouré d’étrangers, avec le désir de se trouver une place dans la société. C’est un personnage assez sophistiqué comme le souligne son accoutrement, cartésien par sa formation de comptable, bref complètement décalé pour ce qu’il va vivre / mourir !
Le portrait psychologique de William Blake va s’affirmer à travers quelques séquences d’expositions. Celles notamment avec le chauffeur du train et Thel, la fille de joie.

Dialogue dans un train
La séquence du train est traité sous forme d’ellipses. Sa longueur permet au spectateur d’appréhender la durée du trajet, et plus généralement la grandeur des espaces ouest américain. Une manière phénoménologique de faire comprendre la longueur du voyage. A ce titre la séquence est traitée de manière exemplaire. Avec une rpédilection pour le travelling latéral, un mouvement de caméra typique de Jim Jarmush (“Down By Law” et les autres).
Le dialogue avec le chauffeur va permettre au spectateur de mieux connaître les objectifs à courts termes du héros. Il veut aller dans la ville de Machine afin d’être employé comme comptable dans la société de Dickinson (Robert Mitchum). Cependant le chauffeur insinue le doute dans ses certitudes, lui conseillant de ne pas croire les choses qui sont écrites sur du papier provenant de la ville de Machine. Associant clairement cette ville à l’enfer.
D’un point de vue narratif le discours du chauffeur, assez décousu, complètement décalé, non dénué d’une certaine poèsie et purement onirique est un avant-goût quasi-prophétique de ce que va vivre-mourir le héros (voir plus loin). La phrase clé : “Comment se fait-il que le paysage bouge, alors que le bateau est immobile ?”

Scène de ménage
La séquence post-coïtum, lorsque Thel et Bill sont surpris au lit par Charlie, son “ex” (Gabriel Byrne), est représentative d’un renversement supplémentaire de notre système de valeur. En effet le héros du western est l’archétype de l’Homme avec un grand “H”. Cette scène prend un tour cocasse. Johnny Depp s’y plaît à jouer la fille (pudique et froussarde) alors que la fille joue le rôle de l’homme (grande gueule et courageux).
Ce qui suit, le sacrifice de la fille, la mort du galant (au bout de trois coups de feux), la fuite de Bill et le vol du cheval sont le prélude de la chasse à l’homme.
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La rencontre avec l’indien
Elle est particulièrement surprenante. En général une rencontre de ce type est plutôt propice à des effusions de violences. Ici il n’en est rien. Nobody, le visage peinturluré, a une bonne raison pour ne pas tuer le “visage très pâle”. Il est en manque, il voudrait bien du tabac (un leitmotiv que Jim Jarmush utilise dans le film et plus généralement dans sa filmographie : “coffee and cigarets”…). La chose qui peut retenir notre attention est qu’il le demande dans un anglais qui n’a rien du “petit nègre” habituel. C’est à dire que Nobody semble très à l’aise dans la langue de Shakespeare (“Fucking White Man !”). Encore un film américain où tout le monde parle américain pour ne pas perdre son public ? La suite nous informera qu’il n’en ait rien. Juste après, en effet, il se mettra à proférer quelques mots orduriés dans une langue indienne.

Le trio des chasseurs
La scène où Robert Mitchum engage les trois chasseurs de primes pour venger son fils, et récupérer le pinto est en soit une belle galerie de personnages. Il met en avant aussi une hiérarchisation des valeurs américaines où la vie d’un homme, fut-il un fils, pèse parfois moins lourd qu’un cheval. Il met aussi en valeur trois tempérament différents (le pro, le jacteur, le kid), auxquels seront assorties quelques ressorts comiques (l’anthropophage…).

Le flash-back de Nobody
On observera l’esthétique du flash-black avec son halo blanc (il eut été difficile de recourir au classique noir et blanc vu que nous y sommes déjà). Cette séquence permet de faire le lien avec toute l’histoire des indiens qui ont franchis l’océan atlantique pour découvrir le vieux monde (un sujet quasiment jamais abordé dans le western, mais visible en fond historique dans “La controverse Valladolid” de Veraeghe ou “Que la fête commence” de Bertrand Tavernier).

Lee et Marvin
Lee et Marvin (Jim Jarmush fait parti des inconditionnels de l’acteur : “Les douzes salopards”, “Le Point de non-retour”…) viennent de trouver le camps vide où bivouac Bill (parti au petit coin). Suit une séquence d’une violence étrange. Basé sur le principe du champ-contre-champ afin d’opposer les deux parties : deux hommes chauves contre le seul William Blake. Mais après les présentations d’usage, Bill leur dit : “Do you know my poetry ?”, cette question anodine va suffisamment surprendre ses adversaires pour qu’il est le temps de tirer sur l’un d’eux, ce dernier en voulant riposter va tirer sur… son collègue.
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En tombant, le premier aura la tête au milieu du foyer dans une figure solaire, qui va inspiré à Bill une citation poétique de son illustre homonyme : “Some are born to endless night…” alors qu’il achève Lee, la figure lunaire par opposition à Marvin en figure solaire, qui agonise.
figure lunaire

La séquence du faon
Elle permet d’entrevoir la pertinence du discours du chauffeur (la notion de voyage immobile est une sorte de répétition du rite funéraire final.

La séquence de canoé
est à considérer par contraste avec celle du train. Cette dernière était bruyante, destructrice, fumante, brûlant du bois dans lequel évolue l’embarcation silencieuse, effleurant la rivière. La présence des hommes y est marqué par la présence d’un totem. de la même manière lorsque Bill arrive dans le village indien il faut avoir à l’esprit son arrivé dans Machine. Il y sera finalement accepté alors que Machine l’avait rejeté. Dans les deux cas, la personne qui l’accompagne succombera (Thel et Nobody).

Le dernier départ, là où le ciel et la mer se rejoignent
Après nous avoir fait découvrir les rivages du pacifique (inhabituel dans les westerns) ainsi qu’une communauté indienne assez loin des sioux, cheyennes et apaches habituels, Bill est engagé sur son embarcation funéraire. Finissant l’épopée d’un comptable de Cleveland pour là où le ciel et la mer se rejoignent.

Les partis-pris artistiques

La Musique
Neil Young à improviser la musique en direct. Il fallait oser le minimalisme de l’orchestration et le mélange fascinant et onirique du western avec la guitare électrique.

Le Noir et Blanc
La qualité de la photographie est une manière d’hommage aux milliers de clichés pris des indiens et des paysages de l’ouest sauvage américain. Certains gros plan de trogne du far-west sont de vivants hommages à ces photos.

L’ellipse noire
est une marque de fabrique de Jim Jarmush. En effet, il pense ses films par séquence. Il les sépare pour leur donner plus d’autonomie et subséquement plus de force. Il profite de l’obscurité pour jouer sur le son et ainsi lancer une nouvelle séquence. Régulièrement en parlant de “tabacco” !

Le film de genre
par la suite Jim Jarmush se frottera à un autre genre cinématographique : le film noir avec le très beau : “Ghost Dog”.


Conclusion :

En considérant les trois premiers aspects cités dans l’introduction :

  • Spirituels : la soi-disant supériorité de l’Eglise Chrétienne est remise en cause par la richesse de la spiritualité indienne. La foi chrétienne est régulièrement abordée et souvent à son désavantage, notamment lorsque Iggy Pop lit un passage de la Bible et lorsque l’homme d’Eglise montre son véritable visage d’intolérance et de haine raciste/anti-hérétique en vendant des draps contaminé aux indiens. Nobody dans son discours spirituel préserve une part de mystère qui tend à nous fasciner. Dans sa manière d’agir Nobody prouve sa sagesse intrinsèque (et ses penchants humains, lorsque Bill le surprend dans les bras d’une femme). Avec le rituel funéraire de William Blake, Il réussit à donner une dimension naturelle qui échappe au tragique et au “happy end”.
  • Techniques : Nobody semble en savoir plus que tout les autres. Sa manière d’utiliser le fusil est très original mais efficace. Il réussit à préserver William Blake en vie jusqu’au rite final.
  • et Culturels : Sur ce point Jim Jarmush se moque ouvertement des hommes blancs, révélant leur ignorance (le plus souvent, ils ne savent pas lire, où lisent ce qu’ils veulent bien entendre). Nobody, par contraste, semble en savoir beaucoup plus, comme son goût pour le poète William Blake l’indique. C’est pour cette raison qu’il servira de mentor à Blake. Et si, au début, son entêtement à considérer le pauvre comptable de Cleveland comme le retour sur terre de l’illustre poète anglais peut paraître naïf, force est de constater que l’idée devient naturelle au fur et à mesure du film. C’est une des forces du film que de réussir à faire ressentir profondément l’évolution intérieure du héros.

A travers ce récit initiatique Jim Jarmush permet donc de voir l’évolution spirituelle de Bill, tout en assistant à sa lente agonie. Le film est une sorte d’expérience qui va au-delà des mots, à la racine des symboles, en harmonie avec une mémoire collective profonde.
Depuis certains ont essayés de le copier. Le français Jan Kounen avec l’adaptation de “Blueberry” a tenté de donner une vision personnelle du chamanisme sur fond de western. On y retrouve certains éléments structurels du film de Jarmush, mais sans la maîtrise, la maturité d’évocation du réalisateur américain.

La Nuit du chasseur

Profitant d’un passage à vide dans sa carrière d’acteur, Charles Laughton passe derrière la caméra le temps d’un seul film, en adaptant le (très bon) roman éponyme de Davis Grubb.
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Ce film se déroule au début des années 30 dans l’Ohio. Le point de vue du film est omnipotent, ce qui permet au spectateur d’être le plus souvent mieux informé que les protagonistes du récit. En effet, il est mis assez rapidement au courant de l’endroit où Ben Harper a caché l’argent du braquage, de même il connaît les véritables motivations d’Harry Powell, le soit - disant prêcheur. Cela permettra au réalisateur de faire partager intimement au spectateur les émotions intenses des héros de l’histoire.
Malgré un cadre historique clairement identifié, un univers social dépeint avec une certaine ironie, Charles Laughton oriente son film dans un univers symbolique dont il va chercher les références à la fois dans le conte de fée et la Bible.

La Bible

La Parabole

La Bible imprègne le récit de « La nuit du chasseur », en fait elle se permet une sorte de Génèse. Rachel Cooper (Lilian Gish) apparaît dans le ciel étoilé à l’instar d’une Déesse (dans un accoutrement modeste) et, par la force de son verbe, va créer un monde, celui qui va illustrer son propos pour les enfants qui l’entourent sur la notion de faux prophètes, loups féroces déguisés en douces brebis. Cette introduction (le ciel étoilé) va être reprise visuellement lorsque l’on verra pour la première fois John et Pearl, les fleurs répondant aux étoiles.
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Cette mise en abyme du récit (le récit dans le récit) permet une plus grande distanciation pour les enfants spectateurs, on est en train de leur raconter une histoire. Mais cette histoire est particulière, elle est aussi une mise en garde, afin d’être vigilant et ne pas se fier uniquement aux apparences. Afin de faire rentrer la leçon, le réalisateur va mettre en scène des enfants pour faciliter leur identification. Ce qu’ils vont vivre va pouvoir servir d’exemples sur ce qu’il faut faire ou ne pas faire lorsque l’on est confronté à un intrus. Une fois le destin scellé (le père mort, l’intrusion du pasteur dans la vie privée de la famille Harper), nous avons droit à une lutte, celle de David contre Goliath, celle d’un enfant (John) contre un adulte (Harry Powell) avec pour objet de confrontation le butin caché. Ils réussiront à s’échapper, comme l’atteste cette séquence clé où les enfants billets de Pearl passent inaperçus près des pieds de géant d’Harry Powell.
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L’Ancien et le Nouveau Testament
La duplicité du récit va être de mettre le personnage sanguinaire et psychopathe d’Harry Powell dans les atours d’un homme d’église. Alors que le film commence par montrer la sagesse de la parole sacrée, il souligne sans cesse le machiavélisme de son porte - parole. Il y a donc deux aspects, deux lectures qui vont aussi s’affronter. Celle du séduisant prêcheur, qui va gagner à sa cause la veuve Willa Harper (Shelley Winters) et la petite Ruby. De l’autre Rachel Cooper, qui voue sa vie à une cause charitable : élever les enfants perdus. Les deux croyances sont opposées Harry Powell par le caractère excessif, fanatique, expiatoire de sa foi (voir les séquences de Willa en possédée, l’abstinence relative d’Harry la nuit de ses noces) et Rachel qui est dans un registre fait de partage, de compréhension. Cette confrontation spirituelle se fera par le chant. Lorsque, sur sa souche, le prêcheur viendra chanter « Leaning » (s’appuyer), que Rachel reprendra mais en complétant le vers manquant (« Leaning on Jesus »).
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Sans doute la preuve que la foi d’Harry Powell est plus archaïque, elle s’adresse directement à Dieu, celui de l’ancien testament. Comme il le dit lui - même : « non que les meurtres te troublent, la Bible en est pleine ». Rachel, même si elle fait toujours référence à l’ancien testament (histoire de Moïse et de Salomon), par ses actes de tolérance et de charité est bien dans l’esprit du Nouveau Testament, d’où la référence à Jésus.


Adam et Eve chassé du jardin d’Eden
Le récit global des deux enfants fait référence à plusieurs thèmes fondateurs de la Bible. Lorsque John et Pearl quittent le foyer, c’est une allusion directe à Adam et Eve, chassés du Paradis, pour avoir mordus dans la pomme. Là encore ce départ forcé est lié à un savoir, non pas celui de la pomme, mais de la poupée farcie de billets verts. Par contre la pomme sera présente à des moments clés, notamment dans la cave où le prêcheur s’apprête à saigner John afin de lui faire avouer la cache du magot. Les pommes se trouvent sur le tonneau où le petit garçon pose la tête (voir le sacrifice plus loin).
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Plus tard, lorsque Rachel essaye de savoir d’où vient John, cela se fait alors qu’ils ont chacun une pomme, John réussit à savoir ce qu’il souhaite sur l’histoire des Rois et il croque la sienne. Rachel n’en saura pas plus et ménage la sienne.

Moïse, la corbeille et le Nil
L’abandon des enfants est total et irréversible, comme sur leur barque, ils ne peuvent plus aller contre le courant, il est trop fort pour eux. Abandonnés au gré de l’eau, ils vont finir par s’échouer à l’instar de Moïse dans son berceau improvisé. Comme ce dernier, ils seront secourus par une dame, Rachel.
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Abraham et le sacrifice d’Isaac
Lorsque John est à la merci de son faux père, ce dernier dans un geste rituel sort son couteau et se tourne vers le ciel (en fait le plafond de la cave) pour montrer sa relation directe avec Dieu. C’est une référence directe à un passage clé de la Bible, lorsque Abraham reçoit l’ordre de Dieu de sacrifier son fils unique Isaac, non pas dans une cave miteuse mais sur une montagne. Dans les deux cas le sacrifice n’aura pas lieu, Dieu arrêtera la main du vieil homme, et Pearl révèlera in extremis la cachette du butin.
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Le conte de fée
Comme l’indique en introduction la parabole biblique sur les faux prophètes, on fait allusion au loup qui se déguise en brebis. Le loup est souvent un élément classique, voir incontournable du conte. Le loup est facilement reconnaissable aux victimes qu’il laisse derrière lui. Un assassin psychopathe déguisé en pasteur. Il fouine, vole, tue :

- La manière dont il réussit à savoir l’existence du magot en écoutant Ben Harper parler dans son sommeil.

  • La mention snoop – fouiner en anglais - (voir photogramme) sur la vitrine lorsqu’il vient annoncer la disparition de Willa chez les Spoons !
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- Le flirt avec Ruby pour se rapprocher du magot…

Mais c’est par des caractéristiques vocales (jappements, hurlements…) qu’il va pouvoir être identifié comme un loup prêt à sacrifier ces nouveaux Hansel et Gretel pour leur soutirer l’argent.
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On le verra principalement à des moments où les enfants réussissent à s’échapper. Lorsqu’ils l’enferment dans la cave, ses doigts crochus se coincent dans la porte (cris de douleur), le soi - disant mouton devient un bélier pour défoncer la porte !
Plus tard, lorsque les enfants prennent dans la barque restaurée de leur père, Powell s’enlise dans la boue et hurle de désespoir lorsque le bateau et les enfants lui échappent à nouveau.
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Et enfin, lorsque Rachel tire un coup de fusil sur lui, il prend la poudre d’escampette en geignant.
Comme dans les contes, le loup est effrayant, ce qui rend d’autant plus spectaculaire la capacité de John et Pearl à déjouer les mauvais tours du loup. Rachel est même émue de voir la force intérieure de ces jeunes qui endure tous ces drames.
Le traitement en conte de fée est volontairement outré, le style est très graphique (les plans d’ensemble de la scène de la cave notamment) et certaines images ont une dimension très symbolique (le couteau à cran d’arrêt et l’érection - cf : scène cabaret).
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Ce film est un récit initiatique qui cherche, à l’instar des contes, à mettre en garde les enfants des dangers de la vie. Il joue aussi bien sur la dimension première, que la dimension symbolique.


Esthétique

Symétrie
Le film adopte formellement une esthétique symétrique. Ainsi l’irruption de la tête d’Harry Powell dans la cellule de Ben Harper (du haut vers le bas, Harry est installé sur un lit superposé)
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est à rattacher à celle de la maison de Rachel lorsqu’il arrive dans le cadre comme un diable sortie de sa boîte (du bas vers le haut).
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Le même geste mais dans deux directions opposées.
De même la fuite des enfants sur les berges du Mississipi va de gauche à droite et se déroule en pleine nuit. Le poursuivant est un homme.
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Lorsqu’ils vont trouver refuge auprès de Rachel, la rencontre se déroulera en plein jour, et ils iront de la droite vers la gauche.
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On pourra résumer cet équation comme suit :
Gauche = maison / foyer
Droite = fuite / incertitude

Ils sont donc chassés de leur foyer vers l’inconnu, et de l’inconnu ils vont retrouver leur foyer.
Mais cette symbolique va encore plus loin si on la soumet à un autre enjeu symétrique très prégnant dans le film : La lutte entre le Bien et le Mal, à travers la parabole des Mains (tatouées) d’Harry Powell.
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Love (droite) et Hate (gauche) vérifient l’équation citée plus haut.
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Dans la séquence qui suit le coup de fusil sur Harry Powell par Rachel, la famille recomposée forme une pyramide qui rappelle l’Egypte et l’Histoire de Moïse. C’est une structure pyramidal ou John sert de base, une sorte de pilier symbolique.
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On peut noter aussi que l’architecture propose régulièrement des arêtes aigues, ausi pointu que le couteau du pasteur, qui peuvent êtres interprétées comme la menace d’Harry Powell, puisqu’elles deviennent souvent visibles en sa présence :
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La Fuite
Lorsque John et Pearl s’enfuient sur la barque nous allons voir apparaître en premier plan des animaux. L’effet visuel est très réussit. C’est beau, poétique mais plus encore très signifiant. En effet Pearl profite de ce moment de répit pour chanter une comptine.
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“Once upon a time there was a pretty fly…” qui parle de petits moucherons tous mignons en fuite. Et lorsque l’on interroge les images nous voyons d’abord une toile d’araignée (prédateur) en premier plan, en arrière plan la barque semble sortir de la toile et donc des griffes de l’araignée. Juste après nous avons un batracien qui lui aussi apprécie les moucherons au petit déjeuner et qui comme Harry Powell sait utiliser sa langue pour attraper ses proies !
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Donc ces premiers plans de fuite avec les animaux servent aussi à montrer de manière symbolique la manière dont les enfants échappent aux griffes de leur prédateur.

La Musique
On notera que cette mélodie de la berceuse est le leitmotiv des enfants. On l’entend dès leur apparition, lors de leur fuite… sur des modes très différents (tourmenté, grave…).
Le thème d’Harry Powell est double : il y a le cantique “Leaning” (voir plus haut) et une cascade de cuivre qui l’impose comme un rouleau compresseur.